De quoi parle t-on ?

Publié le 25 juin 2016 • Mis à jour le 30 mars 2023

En droit pénal

Le Code pénal définit les violences à caractère sexuel de la manière suivante :

Viol

Article 222-23 du code pénal : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».
Les stratégies employées par l’auteur du viol (« les modes opératoires »), sont les mêmes que pour le délit d’agression sexuelle. La différence réside dans l’acte de pénétration, dont il est précisé qu’il peut être « de quelque nature qu’il soit ». Ainsi, quand elles sont imposées, les pénétrations vaginales, anales (sodomie), orales (fellation) et les pénétrations commises par la main ou avec un objet sont des viols.

Dans les relations de travail, les viols sont parfois commis par l’usage de la violence et/ou de la force physique, mais ils le sont le plus souvent au terme d’une longue entreprise d’affaiblissement de la victime, d’exercice d’une emprise, de phases alternant survalorisation et profondes humiliations.

Un certain nombre de circonstances aggravantes sont prévues est prévu par la loi :
• Si l’auteur du/des viol(s) « abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » (art 222-28 al.3 Cp) : c’est souvent le cas dans les relations de travail ;
• Si le(s) viol(s) sont commis « avec usage ou menace d’une arme » (art 222-28 al.5 Cp), ladite arme pouvant l’être « par destination » (outil, instrument médical, coupe-papier…) ;
• Si la ou les victimes sont des personnes « dont la particulière vulnérabilité (…) apparente ou connue de l’agresseur », est liée à une infirmité, à une déficience physique ou psychique. C’est le cas notamment des salarié-e-s reconnu-e-s en qualité de travailleurs handicapés par la Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Agressions sexuelles

Article 222-22 du code pénal : « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».
La jurisprudence précise ce que recouvrent les « atteintes sexuelles » mentionnées dans cet article. Il s’agit des attouchements imposés sur le sexe ou sur des parties du corps considérées comme intimes et sexuelles : les fesses, les seins, les cuisses et la bouche (baisers forcés).
Dans le cadre du travail, ces atteintes sexuelles sont le plus souvent commises par surprise ou sous la contrainte.

Exemples d’agressions sexuelles commises par l’utilisation de la surprise :
• Mains sur les fesses en arrivant par derrière
• Mains sur les seins alors que la salariée est concentrée sur son travail et n’a pas vu son collègue arriver
• Baisers sur la bouche au moment de faire la bise.
Les attouchements peuvent aussi être imposés au moyen de menaces (menaces explicites sur l’emploi, sur une promotion, menaces de mutation, de refus de formation…).
Si les agressions s’accompagnent de brutalités (coups, victime poussée contre un mur…), une infraction distincte peut être constituée.

Comme pour le viol, il existe des circonstances aggravantes en raison de la « qualité » de l’auteur, de la « vulnérabilité » de la victime et des circonstances du viol.

A savoir : La France a signé puis ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’encontre des femmes et la violence domestique, dite « Convention d’Istanbul », entrée en vigueur le 1er août 2014. Elle dispose en son article 36.2 :
« Le consentement doit être donné volontairement.
L’expression du consentement, comme résultat de la volonté libre de la personne (…) devra donc être recherchée ».
Cette conception du consentement sexuel est particulièrement importante s’agissant des relations de travail, puisque les victimes disposent d’une marge de manœuvre extrêmement limitée pour faire savoir qu’elles refusent les comportements sexuels qui leur sont imposés.
La notion de « contrainte » inscrite dans le Code pénal à la définition de l’agression sexuelle et du viol doit donc être appliquée à la lumière de cette définition du consentement.
En d’autres termes : Céder n’est pas consentir et qui ne dit mot ne consent pas ! Harcèlement sexuel

Harcèlement sexuel

La dernière loi relative au harcèlement sexuel a été adoptée le 6 août 2012 à la suite d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le 4 mai 2012, le conseil constitutionnel a ainsi estimé (à juste titre) que l’article 222-33 du code pénal n’était pas suffisamment précis pour pouvoir être appliqué.

L’article 222-33 du code pénal issu de la nouvelle loi du 6 août 2012 dispose :

« I. Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
III. Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis :
1. par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2. sur un mineur de moins de quinze ans ;
3. sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4. sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5. par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ».

Une circulaire du 7 août 2012 du ministère de la Justice donne des consignes d’interprétation de la loi :
Pour le harcèlement sexuel
• Les « comportements » peuvent être « de toute nature (propos, gestes, envois ou remises de courriers ou d’objets, attitudes...) ».
• Le terme « imposer » signifie « subis et non désirés par la victime ». La circulaire précise : « la loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante ». Par exemple, « un silence permanent face aux agissements ou une demande d’intervention adressée à des collègues ou un supérieur hiérarchique » doivent être compris comme une absence de consentement.
• La circulaire insiste sur le fait que les agissements n’ont pas à être directement sexuels mais « connotés » sexuellement. Ainsi, des agissements non explicitement sexuels (propositions d’aller au restaurant, au cinéma, de partir en week-end... pourraient être considérés comme tels en fonction du contexte.
• S’agissant de la répétition, la circulaire « exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises. Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis ».
• « L’atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant » peut être constituée par « des propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes ».
• « La situation intimidante, hostile ou offensante » peut être constituée par « un comportement qui a pour conséquence de rendre insupportables les conditions de vie, de travail ou d’hébergement de la victime ».

Pour le délit « assimilé au harcèlement sexuel »
• Le caractère de gravité des pressions « s’appréciera au regard du contexte et plus précisément des relations existant entre le harceleur et sa victime, de la situation dans laquelle se trouve cette dernière et de sa capacité plus ou moins grande à résister à la pression dont elle fait l’objet ».
• L’acte de nature sexuelle peut être « tout acte de nature sexuelle notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel ».

Ces définitions s’appliquent aux agissements qui ont continué au-delà ou commencé à compter du 8 août 2012.
Avant, aucune répression pénale du harcèlement sexuel n’est possible, sauf à ce que les faits dénoncés puissent constituer une autre infraction (harcèlement moral, violences volontaires à caractère psychologique, appels téléphoniques malveillants). Je pense qu’on peut enlever cette phrase puisque de toute façon les agissements de 2012 sont prescrits depuis 2015.

En matière pénale, il n’est actuellement plus possible de porter plainte au-delà de trois ans après le dernier « fait ». En mars 2016, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, portant la prescription à 6 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes. Les délais devraient donc être prochainement modifiés. (Christophe : je me permets d’être affirmative parce que la PPL est transpartisane, co-portée par un député PRG et un député LR. Aucune raison qu’elle ne soit pas votée même au Sénat).

LA NOTION DE CONTRAINTE

Le simple fait pour une personne d’être liée à un employeur par un contrat de travail la place dans une situation de dépendance et donc de contrainte économique qui est presque toujours intégrée dans la stratégie des agresseurs.
Cette contrainte est particulièrement prépondérante en cas d’attouchements commis sur une personne qui est encore en période d’essai, qui attend le renouvellement d’un CDD ou un passage en CDI, une salariée seule avec un ou des enfants à charge, mais elle pèse également lourdement sur une salariée en CDI. Il peut en effet être encore plus préjudiciable de perdre un emploi en CDI que de perdre un emploi en CDD.

Discrimination

La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a créé un nouveau motif de discrimination.
L’article 225-1-1 dispose : « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ».

L’article 225-2 précise les actes discriminatoires prohibés :
« Entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque.
Refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne.
- subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1.
- Refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
- La discrimination liée au harcèlement sexuel est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
Cette infraction peut être constituée si les actes discriminatoires sont postérieurs au 8 août 2012 et même si le harcèlement sexuel est antérieur à cette date.

Exhibition sexuelle

Article 222-32 du code pénal : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible au regard du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
L’entreprise, tout en étant un lieu privé, est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « accessible au regard du public ». Un salarié qui exhibe son sexe ou ses fesses sur son lieu de travail (y compris en laissant les portes de vestiaire ouvertes) peut donc être poursuivi sur ce fondement.

Harcèlement moral

Article 222-33-2 du code pénal : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Un harcèlement de type psychologique est souvent présent en cas de violences sexistes et sexuelles au travail. C’est la stratégie de représailles généralement mis en place par les auteurs de violences quand ils ne parviennent pas à faire céder leur victime.

Injures

Article R621-2 du code pénal : « L’injure non publique envers une personne, lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1e classe ».
Depuis le 1er janvier 2004, injurier une personne en raison de son sexe constitue une circonstance aggravante.

Pornographie

Article R624-2 du code pénal : « Le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des messages contraires à la décence est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.
Est puni de la même peine le fait, sans demande préalable du destinataire, d’envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages ».

Si la messagerie de l’entreprise est utilisée pour l’envoi d’e-mails à caractère sexiste et/ou pornographique, le délégué syndical peut prendre appui sur cette loi pour interpeller l’employeur. La jurisprudence considère en outre que c’est un motif de licenciement.

Violences volontaires

Article 222-11 du code pénal : « Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
Des circonstances aggravantes sont prévues (personnes vulnérables, violences commises « sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition »).

La loi du 9 juillet 2010 a créé un article 222-14-3 qui précise que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».

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